Est-ce si vrai ?
La question du coup ne devient elle pas quelle est la multiplicité de la poésie et dans quelle(s) facettes chacun se sent-il inscrit ?
Personnellement je vois deux "types" de poésie a priori. Cela ne veut ni dire que ces deux sont justes, ni qu'il n'en existe pas d'autre, seulement que je l'imagine comme ça au moment où je l'écris.
D'une part il y a la poésie en tant qu'état, qu'émotion, que sensation. "L'art ne fait que des vers, le cœur seul est poète" disait André Chénier. Dans cette acception, il suffit d'avoir l'impression de ressentir de la poésie pour être poète. Peut être même que dire "je suis poète" fait de la personne un poète a ce stade.
D'autre part il y a la poésie en tant que forme artistique. D'après moi, cette poésie la repose sur des critères bien plus rigoureux. Ca devient littéralement l'art d'écrire des poèmes (en prose ou en vers, même si j'ai tendance a plutôt me concentrer sur les vers pour ce dont je parle. D'ailleurs on dit bien "poème en prose" alors que personne de dit "poème en vers" c'est bien que le vers est la forme naturelle il me semble). Et comme tous les arts, il me semble que ça repose (on en revient a mes sempiternels leitmotivs) sur le travail et la connaissance. Le travail d'une part, parce qu'a part peut être une illumination géniale, et ça n'arrive pas souvent, un poème n'est jamais parfait quand il sort tel quel. Tous les artistes, et notamment les poètes "classiques" (en terme de reconnus et habituels, pas de mouvement littéraire), ont travaillé, parfois longtemps, pour arriver à produire ce qu'ils ont produit. Parce que soyons honnête, personne ne peut écrire 10 poèmes par semaine de manière qualitative. (Ce qui reviendrait foncièrement a écrire autant de poèmes en un an que Hugo en a publié pendant toute sa vie, et il est de loin beaucoup plus prolixe que la plupart, pour le meilleur et surtout pour le pire.) Entendons nous bien, encore une fois, il est sans doute possible d'écrire un poème incroyable en un jour ou une nuit. Une fois, peut être deux dans sa vie.
Et les connaissances derrière, servent à donner de la "valeur" au travail". Reprendre un vers 40 fois, ça n'a d'intérêt que si le vers s'améliore effectivement, si après un long travail le poème est moins bon qu'il ne l'était au début, c'est un vrai problème ! Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il faut avoir beaucoup lu et beaucoup appris (quoique), d'autant que c'est aussi en pratiquant qu'on apprend, mais je pense qu'il y a un minimum syndical qui est une condition sine qua none. Et une fois qu'on réunit ces deux conditions de travail et de connaissance, auxquelles s'ajoute évidemment la condition de produire "régulièrement" (Si on écrit 2 poèmes dans sa vie, et qu'ils sont les meilleurs jamais écrits, on est sans doute poète au 1er sens et on a clairement le meilleur potentiel qui soit pour l'être au 2eme, mais ca me parait une production un peu faible pour être vraiment un artiste poète a part entière), alors on est poète dans ce 2eme sens.